Corot, dans la lumière du Nord … et de la Baie de Somme

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Le tableau de Corot représentant La Baie de Somme a été vendu aux enchères pour 83 228 €, ce mercredi 6 novembre, à New-York. Certains conservateurs français envisageaient un montant bien supérieur à l’estimation. Elément conjoncturel ou repositionnement de ce peintre sur le marché de l’art…. Cette occasion manquée de voir revenir ce tableau en Picardie nous a donné envie de retrouver les traces de Corot dans notre région et dans le Nord. Nous avons profité de la très belle exposition, Corot dans la lumière du Nord, consacrée au peintre et à l’Ecole d’Arras qui se tient au Musée de la Chartreuse de Douai jusqu’au 6 janvier 2014.

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Marie-Paule Botte, commissaire de l’exposition, passionnante et passionnée, nous guide. « C’est une histoire d’amitié, qui amène Corot dans le Nord. Il y vient une première fois en 1830, mais surtout vingt ans plus tard, il se liera d’amitié avec un peintre de Douai, Arrageois d’adoption.» Constant Dutilleux, au cours du Salon, à Paris, en 1847, fasciné par la peinture de Corot lui achète un tableau. Il invitera alors à Arras le peintre parisien. Equipés d’un chevalet, d’un tabouret et d’un parapluie, les deux artistes sillonneront la campagne, longeront la Scarpe, s’aventureront en Baie d’Authie… « Ce qui l’intéressait dans nos pays du Nord, explique Marie-Paule à propos de Corot, c’étaient les changement de lumière, cette tonalité si particulière donnée par le soleil filtré par les nuages. »

 – Sa démarche ?

« Il travaille d’abord sur le terrain. Dans la droite ligne de son maître, Jean-Victor Bertin,  il place les masses, de manière assez simple, il trace la généralité des couleurs pour ensuite retravailler les œuvres en atelier. »

 

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Bon nombre de tableaux de Corot exposés à Douai proviennent de la riche collection du Musée de Beaux Arts d’Arras. Un lien fort attache Corot à Arras. Avec Dutilleux, il rencontre un foyer artistique important. Excellents pédagogues, ils rassemblent autour d’eux de jeunes peintres comme Charles Desavary ou Alfred Robaut.

Grâce au très précis Catalogue raisonné et illustré de l’oeuvre de Corot écrit par Alfred Robaut, nous savons que Corot est venu, à de nombreuses reprises, en Picardie et en Baie de Somme. Il est à Saint-Valery, le 11 juin 1853, il écrit dans un courrier à son ami qu’il termine ce jour-là une course entre Abbeville et Saint-Valery, qu’il y a peint « deux petites pochades « . Peut-être est-ce à cette occasion qu’il trace les premières lignes du tableau vendu à New-York… Il séjourne également à Cayeux, il en esquissera plusieurs dessins et tableaux.

« Corot, explique Anne Esnault, conservatrice du Musée des Beaux Arts d’Arras, étudie sur le motif mais recompose à l’atelier. Il n’est pas toujours fidèle à la réalité. Parfois, il ajoute au paysage un motif qu’il a en tête. A la fin de sa vie, il accentue cette manière de faire, il peint ce qu’il appelle des Souvenirs, à l’aide d’un répertoire de motifs qu’il réintègre dans des paysages »

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De Cayeux, il raconte à Robaut : « Ces pauvres chaumières tombent en ruine : elles servent d’abri aux arbres qui à leur tour, quand elles ne seront plus là disparaîtront, soyez-en certains ; car il est impossible de résister dans ce pays-là » 

« En effet, explique Marie-Paule Botte, Corot était assez soucieux de l’âpreté de la vie des paysans en bord de mer, il lui est arrivé d’en parler dans ses correspondances ». 

En juin 1853, il dessine les bords de l’Heure, aux environs d’Abbeville, un peu plus tard, en 1855, il esquisse à nouveau à Abbeville. Au début des années 1860, ce sont les rues de Flesselles (80) qu’il représente, à l’occasion d’une visite rendue à son parent, Emile Corot, percepteur dans la localité. Au cours de ses mêmes années, il installe son chevalet à Picquigny, il y représente un pêcheur.

A la lumière de ces enseignements sur le peintre, revenons au tableau dans lequel il représente la Baie de Somme… Au loin une ville, sur une hauteur. Sans doute Saint-Valery. En l’espace de cent cinquante ans, le paysage a changé. L’estacade et la digue sur laquelle passe le Chemin de Fer de la Baie de Somme n’avait pas encore été construite, la mer remontait plus loin à l’intérieur des terres. La canalisation de la Somme avait été achevée quelques années plus tôt. On peut imaginer qu’il était placé ici, en fond de baie, ou un peu plus loin, à la lisière de Pinchefalise…Peut-être aussi a-t-il recomposé les éléments de plusieurs pochades réalisées sur le terrain…

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